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30 mars 2013 6 30 /03 /mars /2013 21:26
A Grigny, des adolescents interpellés après l'agression du RER D
LE MONDE | 27.03.2013 à 11h39 • Mis à jour le 27.03.2013 à 13h46Par Sylvia Zappi
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Quinze jeunes de 16-17 ans, soupçonnés d'avoir participé à l'agression du RER D en gare de Grigny (Essonne), samedi 16 mars, ont été interpellés et placés en garde à vue, mercredi 27 mars.

Le coup de filet a eu lieu mercredi 27 mars, à l'aube : quinze jeunes de 16-17 ans, soupçonnés d'avoir participé à l'agression du RER D en gare de Grigny (Essonne), samedi 16 mars, ont été interpellés et placés en garde à vue. Ce jour-là, une bande d'une vingtaine de jeunes, venus de la copropriété de Grigny 2, avait stoppé un train de la ligne du RER D pour agresser et voler les voyageurs dans plusieurs rames avant de s'enfuir comme une volée de moineaux.

 

Quatre plaintes avaient été déposées au commissariat de Juvisy. Les enquêteurs, qui les surveillaient depuis plusieurs jours, ont mené l'opération sur la copropriété avec 180 policiers. Des ordinateurs, des téléphones portables ou des vêtements, butins de leurs vols sur les passagers, ont été saisis à leur domicile.

Il s'agit de mineurs, faisant partie d'"une bande qui s'identifie à un groupe de rap, se mettant en scène à plusieurs dans les halls de la cité avec des armes factices et qui se filme en vidéo", explique Luc-Didier Mazoyer, contrôleur général de la direction départementale de la sécurité publique. "Le problème, c'est qu'ils passent à l'acte", accuse le responsable policier. La DDSP soupçonne ainsi ces jeunes, qui se nomment MGD pour Mafia Grigny Danger, de se livrer depuis quelques semaines à des vols avec violence organisés sur la voie publique ou dans les commerces. Outre l'attaque du RER, une pharmacie et un bar-tabac ont subi plusieurs braquages à la Grande-Borne.

Lirele récit  Attaque de diligence contre un RER dans l'Essonne

MULTITUDE DE PETITS GROUPES AFFINITAIRES

Les explications policières laissent sceptiques bon nombre d'observateurs. Si l'inquiétude face à ces jeunes qui partent à la dérive revient comme un leitmotiv, les enquêteurs seraient dans l'erreur. Ce ne seraient pas deux bandes qui sévissent à Grigny mais une multitude de petits groupes affinitaires, volatils, sans chef. Qui se font et défont au gré des cibles. Des groupes de mômes livrés à eux-mêmes, sans repères, qui empoisonnent souvent le climat dans les halls d'immeubles avec leurs trafics de drogue, petites magouilles pour tuer l'ennui.

Ces mômes, tout le monde les connaît, raconte Amar Henni, responsable duCentre de vie sociale : venus du square Surcouf, le cœur le plus difficile de cette copropriété dégradée de 17 000 habitants, ce sont des adolescents, sortis du système scolaire. "Ils ne réfléchissent pas aux conséquences, ils sont dans leur jeu à qui sera le plus fort", renchérit Bilal, responsable de l'espace jeunes. Cette fois, ils sont allés trop loin. "Ils se sont crus au Far West ! Ce sont des gens d'ici, des pauvres qu'ils ont volés", s'indigne M. Henni.

"S'il s'avère que ce sont des Grignois, honte à eux ! Ils desservent leurs frères, leurs copains à la recherche d'un stage ou d'un boulot", s'emporte Philippe Rio, maire PCF de la ville. Son indignation est largement partagée. Mais aux yeux des adultes rencontrés – élus, éducateurs, associatifs –, ces jeunes ne sont pas des gros durs. "Ceux qui ont fait ça sont des petits cons. Des gamins sans repères hiérarchiques ni rapport aux institutions, qui salissent l'image de la ville, lance M. Henni. Ils vont être envoyés en prison mais cela n'arrangera rien", continue ce directeur.

L'avis est repris par tous : c'est d'adultes impliqués disant les interdits, nommant les normes dont ces jeunes ont besoin. "J'en ai discuté avec les papas d'ici, ils sont tous choqués. Mais la taule ne fera que les empirer. C'est aux adultes de les arrêter", résume Ahmed, responsable d'une installation sportive.

RETOUR DE LA PRÉVENTION

Les uns après les autres, les adultes cherchent surtout la manière de raccrocherces mômes. "C'est un échec pour tout le monde. Un enfant exclu de l'école, plus personne ne cherche à savoir ce qu'il devient", souligne Honoré, médiateur. "Il faudrait écouter les parents des enfants qui décrochent pour les aider", plaideFarida Rezgui, référente de secteur.

Par manque de moyens, les dispositifs de la ville ont été allégés. Voici cinq ans encore, il y avait dix éducateurs de rue, salariés par la ville, qui allaient chercherles jeunes déscolarisés et les remettaient sur le chemin de l'école. Les adultes se sont fatigués et le dispositif n'a pas été renouvelé. D'autres initiatives d'insertion ont tenté de reprendre le relais mais avec des moyens réduits. A Grigny-2, des parents cherchent à "faire de la présence dans les halls". "Il faudrait des formations pour adultes, expliquer comment intervenir dans l'espace public", plaide Maïté, une habitante.

Le maire réclame d'abord la restitution d'un "commissariat de plein droit" : l'antenne de police, ouverte seulement en journée, a été déclassée en 2011 et n'abrite plus que des services administratifs. L'élu insiste lui aussi sur un retour de la prévention. "Les parcours de délinquance commencent tôt. Il faut réinterroger les politiques publiques de l'enfance en danger. Ces mômes-là sont en danger."

L'agression du RER va laisser des traces. "Quel regard va-t-on porter sur la ville ?", s'inquiète Djelloul Atig, adjoint à la jeunesse. Tous ont en tête Les Guignols de l'info qui, dès le surlendemain, relataient l'agression en mettant en scène le ministre de l'intérieur pointant sa baguette sur une carte de la ville représentée comme une zone de guerre dont on devait reprendre les territoires. "Comme auMali", disait la marionnette. "Ça fait mal, glisse un salarié de la ville. Déjà que SOS médecins et UPS ne veulent plus venir..."

Sylvia Zappi

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